Olivier Ferrand, le patron du think tank le plus influent du PS brigue un mandat de député en plein "Guerini land". Les élus socialistes des Bouches-du-Rhône ne l'entendent pas de cette oreille
On a connu des débarquements en Provence accueillis avec plus d'enthousiasme. Depuis dix jours, Olivier Ferrand, le patron du think tank Terra Nova, fait campagne dans la huitième circonscription des Bouches-du-Rhône. Un territoire tout neuf, issu du redécoupage électoral de 2009. Et peuchère, le comité d’accueil est glacial. Les petits barons du PS local ne voient pas du tout son parachutage d’un bon œil. Et même s’il y a un mois à peine, tout ce beau monde s’écharpait sur fond d’affaire Guérini, il semblerait que l’arrivée d’Olivier Ferrand ait signé la reprise des négociations, selon la bonne vieille formule : « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Le garçon a beau être bardé de diplômes: HEC, l’Ena, Sciences Po… « Lionel » (Jospin évidemment) a beau l’appeler pour la moindre broutille. Il a beau arriver à pas feutré… Ici bas, on le prend de haut.
Il faut dire que le retour au pays de l’enfant prodigue (le garçon est né à Marseille où il a passé vingt ans), ça ne fait pas les affaires de grand monde. Avant sa désignation par la rue de Solférino, ils étaient trois à se rêver député : Michel Tonon, maire de Salon-de-Provence (la ville centre de la circonscription) et conseiller général; Jean-Pierre Maggi, maire de Velaux, également conseiller général et Gérard Frisoni, premier adjoint au maire de Berre et conseiller régional. Les trois hommes se connaissent bien. Ils sont aux affaires au sein de la même communauté d’agglomération où, d’ailleurs, ils peinent à s’entendre. Quand se décident les investitures en décembre, aucun des trois n’a le profil idéal. Les deux premiers sont mis en examen dans une affaire de transports. Dossier pour lequel ils viennent de bénéficier d’un non-lieu et qui était totalement déconnecté des affaires Guérini mais bon, cela faisait désordre. Le troisième, âgé de 72 ans, est élu à Berre, ville dont le sénateur-maire, Serge Andréoni, est mis en examen dans le cadre de l’affaire Guérini et dont l’un des adjoints vient d’effectuer un petit séjour aux Baumettes. Pour le renouvellement de la classe politique, on repassera...
Le bon bouillon de Maggi
Martine Aubry tranche, ce sera Olivier Ferrand. Pour le PS, un peu de sang neuf dans les Bouches-du-Rhône, ça ne peut pas faire de mal. Sauf que cette décision, le maire de Salon la vit comme le pire des affronts. Il dit ne pas supporter l’amalgame qui a été fait entre sa mise en examen et l’affaire Guérini. Bref, en ne le désignant pas, le PS a bafoué son honneur. Aujourd’hui, il demande à Martine Aubry de revoir sa décision, fait monter la pression, laisse planer l’éventualité d’une candidature dissidente. Il multiplie les contacts et les déjeuners. Ses ennemis d’hier redeviennent fréquentables… Depuis quelques jours, Gérard Frisoni, qui ne cachait pas son aversion pour le maire de Salon avant Noël, l’appelle « mon ami ».
Olivier Ferrand pourrait se sentir bien seul, s’il ne s’était trouvé un allié auprès du troisième larron: Jean-Pierre Maggi, poids lourds du PS départemental, fait campagne corps et âme pour « l’enfant du pays », rappelant à tout bout de champ que la place centrale de son village «porte le nom de l’arrière grand-père d’Olivier», et que son trisaïeul était président du Conseil général… D’accord, c’était à la fin du XIXe siècle mais, pour le Provençal, ça suffit à contrer les arguments de parachutage. Olivier Ferrand peut également compter sur Europe Ecologie Les Verts, tout heureux de rendre la monnaie de sa pièce à un Michel Tonon qui les avait soigneusement boudés lors des précédentes municipales.
Dans ce brouhaha, il y en a deux qu’on n'entend pas. Le candidat de l'UMP, Nicolas Isnard se frotte les mains. Quant au FN Gérald Gérin, c’est à se demander s’il a besoin de faire campagne…
Martin Kirsch